jeudi, octobre 22, 2009

Perou III : Arequipa et Colca


Bon allez, j'ai peut-être exagéré un peu sur la surface des 8 rues par 5 rues fréquentables à Arequipa. Ça, c'est de nuit. De jour, il semble qu'on puisse s'éloigner un peu.

En même temps, le centre est tellement joli et agréable qu'on n'a pas vraiment besoin d'aller chercher d'autres visites plus loin. Oui, vraiment, Arequipa est une ville où il fait bon vivre.

La Plaza Mayor d'Arequipa est une des plus jolies que je connaisse. J'ai failli dire: "une des plus jolies Plaza Mayor d'Espagne"...
Le soir, comme en Espagne, tout-le-monde y converge et vient la voir s'illuminer; elle est encore plus magnifique comme ça. A 2300 mètres d'altitude, on pourrait s'attendre à ce que cela fraichisse en soirée; mais non, la température très chaude en journée redevient simplement plus agréable.



Il est quand même un petit détail déconcertant au Pérou, c'est le "calage" horaire; le choix du fuseau. En effet, en ce moment (on va dire avec beaucoup d'approximation que c'est un peu le début du printemps), il fait grand jour vers 5h30, alors que la nuit tombe vers 18 heures.
Le mode de vie aurait pu s'adapter, mais non. Les bars servant des petits-déjeuners n'ouvrent que vers 7h30, et les visites rarement avant 9 heures. Du coup, on perd des heures de soleil et les journées semblent courtes!

Antoine, jeune Bordelais ayant choisi de visiter l'Amérique du Sud pendant un an à la suite de ses études, me confirme qu'Arequipa est la ville lui semblant la plus agréable à vivre, depuis les deux mois qu'il vadrouille.
Vous pouvez voir ses photos ici:
http://www.flickr.com/photos/antoineg


* * *


(Mercredi)

J'en ai, des choses à raconter, depuis ces quelques jours où je n'ai pas eu le temps de remplir ce carnet.
Samedi, visite du monastère Santa Catalina. Un véritable village dans la ville! Des rues, des "quartiers", plusieurs cloitres tous différents. Beaucoup de charme, des cellules meublées et décorées avec gout, de petits escaliers ne menant nulle part, de jolis objets ici ou là: de quoi s'amuser avec l'appareil et essayer de faire des choses un peu "graphiques". Avec Antoine, passionné lui-aussi de photographie, nous avons passé près de cinq heures à jouer à qui-mieux-mieux avant de nous lasser.


Un samedi soir, au Pérou comme ailleurs, on sort, on boit un peu, on fait la fête. Nous avons terminé à l'hôtel en compagnie d'autres "routards" de tout pays: péruvienne et péruvien bien-sur, mais aussi texan, grec, un autre d'Alaska et j'en oublie (quelques jours plus tard, ce sera avec Orie, jolie Japonaise); le tout dans un mélange d'anglais et d'espagnol pas toujours académique...

* * *

Dimanche, départ pour le Canyon de Colca.
Au départ, je ne savais pas si j'allais effectuer cette visite ni, le cas échéant, comment j'allais l'organiser. La solution de facilité aurait été de passer par une agence de voyages, en payant cher pour visiter les villages prévus, dépenser dans les boutiques pour touristes, dormir aux endroits prévus, marcher en file indienne, etc...
Heureusement, j'ai donc rencontré Antoine qui s'apprêtait à partir plus "à la routarde". Nous avons pris un bus de ligne à travers la pampa pour rejoindre Chivay (bus pour Péruviens, bien chargé; route asphaltée par portion, piste en terre le reste du trajet) puis Cabanaconde, petite ville surplombant le canyon et qu'aucun bus ne dépasse. Nous avons aperçu nos premiers condors qui volaient vers le panorama pour touristes où ils sont "artificiellement" nourris à coup de morceaux de viande...
Le lendemain, réveil à 6 heures pour descendre dans le canyon, environ 1000 mètres de dénivelé qu'il faudra bien penser à remonter. Si le paysage est vertigineux et aride, le fond du canyon est entouré d'une bande de végétation quasi tropicale et de véritables oasis.

Au départ, nous avions prévu un "trek" plus long. Mais après avoir remonté plusieurs centaines de mètres de dénivelé par une chaleur écrasante, j'ai commencé à avoir des doutes sur ma capacité à suivre Antoine, plus jeune et plus sportif que moi. Nous avons alors choisi une option un peu plus courte, celle proposée dans le guide du Routard. Après avoir rejoint Malata, village fantôme en pleine journée (mais où sont-ils donc?), nous avons poursuivi jusqu'a Tapay.
2900 mètres d'altitude, le souffle court, cherchant de l'oxygène et attaqué par les crampes, j'avoue avoir eu un mal fou à terminer (presque à "quatre-pattes"); ce jour-là, j'ai atteint mes limites.

A Tapay, nous étions manifestement les seuls touristes. A peine le temps de retrouver notre souffle à la terrasse d'une chambre d'hôte que le propriétaire nous propose de l'accompagner aux champs. C'est alors que s'est passée la plus enrichissante expérience humaine de ce voyage...


Nous avons donc rejoint les petits champs en terrasses qui étaient l'objet du travail de ce jour. Toute une communauté (famille, voisins, enfants) était présente pour s'entre-aider. Les hommes retournent la terre à l'aide d'outils ancestraux, les femmes ratissent et retirent herbes et pierres. Puis arrive le petit coup à boire, constitué d'une boisson à base de maïs distribuée par les femmes et d'une liqueur de pommes servie par un homme, avant de reprendre le travail.
Avant d'oser prendre des photos, j'ai bien demandé si cela ne dérangeait personne:
"No quiero molestar con las fotos...
- Molestar? Molestar quien? Heee!! Este hombre pregunte si las fotos les molestan!
- (Un autre au milieu du champ) Molestar? Porque? Me gusta mucho ser fotographiado! dit-il en se marrant a pleines dents."
OK, puisque c'est comme ça, on va s'en donner à coeur-joie! Bon, c'est vrai, les femmes et les enfants nous regardent un peu comme des extra-terrestres; quant aux hommes, ils sont plutôt amusés.


Timides au départ, les enfants s'approchent, s'étonnent de nos barbes et des poils d'Antoine, demandent s'ils peuvent regarder nos étranges reflex numériques et se marrent en découvrant leurs trombines sur l'écran...
Antoine est un garçon qui attire la sympathie comme j'en ai rarement connu. Pour les enfants comme pour les autres, c'est un véritable aimant. Il confie son reflex Pentax à un des gamins qui jubile et je me sens obligé de faire de même, bien que l'idée de filer mon Nikon à 1200 € à des enfants couverts de poussière me demande un effort surhumain.
Toutefois, le résultat est surprenant! Pris en photo par leurs copains, les gamins se lâchent encore plus et prennent des pauses on ne peut plus naturelles et spontanées. Malheureusement, le poids de mon reflex fait que les portraits sont souvent cadrés trop bas; ceux du Pentax d'Antoine rendent mieux.


Devant notre attitude, les villageois sont à la fois surpris et ravis. Pour eux, nous ne sommes déjà plus des "gringos" totalement comme les autres!
Bien-sur, ils nous font trinquer très vite avec leur délicieuse liqueur de pomme; mais aussi nous proposent-ils ensuite d'essayer leurs outils et de retourner la terre, alors que notre hôte nous prend en photo avec nos propres appareils. Placer les trois bêches en demi-cercle, les enfoncer et basculer en même temps pour que se forme un trou: tout est question de synchronisation! Immédiatement, une femme y balance quelques semences puis une autre recouvre le trou au râteau.
Bien-sur, j'aurais voulu prendre de plus beaux portraits, techniquement plus réussis, mieux exposés ou éclaires... Mais si ceux-ci sont imparfaits, ils ont le mérite de l'authenticité et de la spontanéité. Et cette rencontre entre ces villageois et nous, à quatre heures de marche (rythme péruvien) ou de mule de la première route et des commerces de Cabanaconde, restera un souvenir unique et inoubliable, par sa simplicité et sa sincérité...

Plus tard, lors du repas que nous offrira notre hôte en compagnie de toute la communauté ayant participé aux travaux, celui-ci nous avouera que les touristes venant seuls ici sont très rares, mais généralement mieux apprécies. Ceux venant avec un guide font un tour dans le bled et repartent pour leur trek et un hôtel plus confortable. Peu sont ceux qui, selon lui, prennent le temps de s'intégrer vraiment. Nous n'en serons que plus touchés...



* * *


Le lendemain à 5 heures, descente dans le canyon puis lente remontée de l'autre cote: 700 mètres de dénivelé dans un sens, 1000 dans l'autre. Pour être sûr d'arriver en haut, j'ai adopté un rythme très lent mais régulier. Cinq heures et demi de marche tout-de-même, dans un sentier parfois à flan de falaise.
Bien entendu, personne ne m'a forcé à aller souffrir dans ce chemin. Mais sans cela, aurais-je connu le vrai Pérou des champs, perdu au fond des montagnes? (Et encore, on peut bien-sur trouver plus isolé.) Se forcer un peu, cela offre des récompenses.
Justement, alors que la montée paraissait interminable, que le soleil s'approchait de son zénith, que la montagne semblait grandir à chaque fois que nous pensions arriver au sommet, une nouvelle récompense allait nous être offerte.

Depuis 5 heures, tout en marchant, nous scrutions le ciel et la montagne à la recherche d'un condor, et rien. Pourtant, tous avaient dit: "au lever du jour ou en soirée".
Et là, à l'heure où le soleil atteignait sa plus haute place, à la seconde même où nous arrivions enfin sur le plateau, un gros oiseau est passé silencieusement au-dessus de nos têtes. Sans un battement d'ailes, il a tourne autour de nous, puis est allé gratter la falaise pour reprendre de l'altitude. La chaleur et les vents l'ont renvoyé haut dans le ciel, toujours sans qu'il n'ait besoin d'un effort. Il est repassé devant nous, au-dessus de la vallée.
A l'instant où nous le perdions de vue, Antoine me disait de me retourner. Là, à quelques mètres de nous, une mini tornade soulevait de la poussière vers le ciel. Elle a suivi un chemin sur plusieurs mètres avant de s'estomper elle-aussi... Pas un souffle d'air, ni avant, ni après!

Pour l'oiseau, pas de doute possible. La forme des ailes, les parties blanches, la majesté du vol: c'était bien le Roi des oiseaux des Andes, c'était bien un Condor. Peut-être pas totalement à taille adulte, mais un Condor quand même. Notre Condor, pas un de ceux qui se contentent de la nourriture offerte par les touristes au mirador... Quant à la tornade?


Note : dans Tapay, ce petit village que vous pouvez voir sur cette photo, l’école accueille tout-de-même 21 élèves. Ils y vont de 8h30 à 13h30, avant de rejoindre la famille aux champs ou de garder les moutons, par exemple…



1 commentaire:

LJ35 a dit…

Ces trois billets sont très agréables à lire, merci Fab !