vendredi, octobre 09, 2009

Perou I - Lima : des hauts et des bas


Signes...


Dans la voiture en route pour Lyon "St-Exupery", France Inter diffuse un sujet sur le site "couchsurfing" mettant en relation les personnes ayant un canapé disponible et celles souhaitant en profiter. Dans son exemple, la journaliste dit: "Que vous alliez à Lima, à Tokyo ou en Inde..."; eh bien oui, justement, je vais à Lima!

Quelques minutes plus tard, les infos de 13 heures de ce dimanche 4 octobre débutent par une chanson de Mercedes Sosa: "Gracias a la vida"...
La semaine dernière, en préparant mon voyage, je voulais m'amuser à créer un "diaporama d'anticipation", à base de photos prises avec Flight Sim en imaginant comment allaient se dérouler mes vols prochains. Quand il s'est agit de le mettre en musique, j'ai immédiatement pensé à Mercedes Sosa et, bien entendu, à "Gracias a la vida" qui fait partie de ces chansons qui me reviennent en tête régulièrement.
Sosa était un peu l'emblème de l'Amérique du Sud, et sans doute la seule chanteuse de variété populaire que j'en connaisse. Qu'elle disparaisse le jour de mon premier voyage vers ce continent est, pour moi, une nouvelle ironie du sort.

* * *


C'est la septième fois que je passe par l'aéroport de Madrid-Barajas et, comme la première, je suis toujours autant émerveille.
Le T4 (et son T4S) est immense, spacieux, aéré, bien conçu... Quand on connait un peu certains aéroports français (ADP en particulier), il y a vraiment de quoi faire un complexe d'infériorité. Tout est simple, clair, d'une propreté impeccable. Personne ne s'y marche sur les pieds, alors que les vols s'enchainent sans cesse sur ses quatre pistes... A coté, Roissy a vraiment une ère de retard!

Business is business.

Au moment de présenter ma carte d'embarquement pour accéder à la passerelle et au Boeing 767, un biiiiip retentit, plus long que pour les passagers me précédant. Aie, les ennuis commencent...
" Ka-mousss... No esta en la lista!
(La collègue du comptoir voisin regarde.) - Si, si, mira..."
Elle lui dit rapidement un truc... L'hôtesse raye alors mon numéro de place "26A" et le remplace par un "2D" d'un coup de griffe.
" Viajara en Business.
- Ah? Euh... ¡ Muy bien! Gracias..."

Quand j'ai vu le siège qui allait accueillir mon fessier pendant douze heures, je me suis senti tout con. Vraiment pas à ma place. Il devait bien y avoir un mètre entre mes genoux et le siège devant moi!
Alors que mon voisin carburait déjà au Champagne, j'ai été surpris lorsque, à peine assis, une charmante hôtesse m'a demandé ce que je voulais boire. Tellement pris de court que je n'ai réussi qu'à bredouiller "jus d'orange" dans un mélange anglo-espagnol lamentable, alors qu'il y avait toutes sortes d’excellents whiskies, cognac, vins...
Décollant à plus de minuit, je craignais qu'il n'y ait pas de repas à bord et que ce soit "extinction des feux". En fait, ce fut là-aussi très classe, avec choix du menu à la carte et vin servi comme dans un grand resto: "Ce Malbec vous conviendra-t-il?"


* * *


Je viens de manger un petit "menu del dia" dans le quartier dit "Centro" de Lima. Tous les restos se ressemblent, j'en ai choisi un par coup de coeur: il n'y avait que des minettes pour servir et cuisiner.
5,5 soles le menu (petite entrée + plat, très bon d'ailleurs) et 4 soles la bière (630 ml), soit environ 3 euros.

Ici, où que je regarde, tout est bancal! J'aimerais prendre en photo la peinture du plafond comme des murs; j'aimerais prendre en photo la crasse sur chaque lampe et chaque publicité de bière; j'aimerais prendre en photo cet interrupteur, là, juste au-dessus de moi, dont les fils mal raccordés sont noirs de poussière grasse; j'aimerais vous montrer tout ce jeu de miroirs qui entourent la salle: tous fêlés, tachés voire complètement déformés... J'aimerais, mais je n'ose pas. Je n'ose pas sortir l'appareil, de peur que cela soit mal interprété, qu'ils imaginent que je me moque d'eux ou que je les méprise...
Pourtant, j'adore! J'adore ces "défauts" omniprésents, ce sol bringuebalant et couvert de chewing-gum, de taches, de carreaux casses. J'adore ce bricolage permanent, dans les moindres détails. Je voudrais les photographier, non pas avec dédain, mais au contraire pour me souvenir de tout, ramener chez moi des morceaux de cette Amérique du Sud passionnante dont j'ai tout à découvrir. Mais je n'ose pas...



Photographier le centre historique et sa Plaza Mayor, c'est facile. Il y a au moins deux policiers à chaque carrefour et tous les 20 mètres dans chaque rue. Bref, dans le centre, on ne risque pas grand chose et les photos ne dérangent pas vraiment, ils n'y font plus attention.
Par contre, l'intéressant se trouve dès qu'on s'éloigne un peu des quelques rues indiquées dans le guide. Après les avoir quittées, j'ai vite du ranger l'appareil dans le sac. Oh, je ne sais pas s'il me serait arrivé quelque chose, sans doute que non... Mais c'est une tentation bien forte pour tous ces gens qui vivent de peu, et surtout de petits trafics en tout genre, de commerce parallèle, voire pire.
Alors voila, j'ai encore été incapable de prendre en souvenir ce que j'aurais voulu. Pourtant, il faut parfois le voir pour le croire!

D'abord, le quartier des gares routières. Chaque compagnie a sa gare, présentant ses autocars au confort très varié, depuis "l'Economico" jusqu'au Royal-machin-truc impérial avec couchettes et hôtesse.
Puis le quartier des mécanos. Ici, pour celui qui ose, il y avait de quoi faire une expo! Plusieurs rues dédiées exclusivement aux petits garages, aux réparateurs "spécialises" (ici les carbus, là les moteurs, ailleurs les transmissions, etc.), aux vendeurs de pièces de récupération. Parfois plusieurs "réparateurs" se mettent sur un même moteur, cherchant le bruit encore plus suspect que les autres...



* * *


Maintenant, je sais.
Autre jour, autre balade. Ayant tourné et re-tourné dans tout le quartier du centre touristique, je me suis éloigné un peu. Pas aussi loin que la veille, pourtant.
En souhaitant faire un tour dans les "Barrios Altos", où il est indiqué dans le guide qu'il se trouve la "Punta Heeran, bel ensemble homogène de demeures coloniales avec jardins", j'ai traversé un autre quartier de la bricole: les étagères. A suivi le quartier des sacs: de voyage, a dos, a main... que des magasins de sacs.
Au bout de la rue, j'ai aperçu une église assez dominante, j'ai souhaité pousser jusque là. J'ai vu mon dernier policier en traversant le carrefour puis, en quelques mètres, les magasins ont disparu. Rien de grave, il n'y a que quelques petites vieilles papotant sur le pas de leurs portes: aucun risque. Pourtant, sans m'en douter, j'ai du faire 100 mètres de trop. J'ai compris quand j'ai vu quatre jeunes sortir de nulle part et l'un d'eux me dépasser en courant. Trop tard, un autre essayait déjà de s'agripper à ma pochette de ceinture.
Des gamins de quoi... 15, 16 ans? L'un a montré un revolver, doré, très joli mais peu crédible, puis ils ont essayé de me trainer dans un passage. Heureusement, ce n'était pas encore de vrais durs, il leur restait à apprendre. Mais enfin, contre quatre ados dans la force de l'âge, il a fallu résister un moment.
J'ai crié "policia" très fort, plusieurs fois, mais celui que j'avais croisé au carrefour 100 mètres plus bas n'a pas montré le bout de son nez. Finalement, ce sont des femmes qui sont sorties et ont éloigné les gamins, me poussant dans un taxi (gros coup de chance d'en trouver un à cet endroit). J'en suis quitte pour une ceinture rallongée d'un cran...
Bref, quand le premier chauffeur de taxi, celui de l'aéroport, me disait "il y a des frontières à ne pas dépasser", son avertissement n'était pas des paroles en l'air. Le problème, c'est de les repérer, ces frontières; car parfois un coté d'une avenue peut être fréquentable, l'autre non.

Ces merdeux, je ne leur en veux même pas. Après tout, ont-ils le choix de faire autre chose pour vivre? Sans doute pas. Ils sont nés 100 mètres trop loin, voila tout. Et encore, eux sont plus proches de la "frontière" qui se déplace petit à petit. Je n'ose pas imaginer la vie de 95% des huit millions d'habitants de cette agglomération gigantesque. Ces 95% qui sont dans le même cas que mes "ladrones", mais encore plus loin du centre, là où il n'y a même pas de touriste à dépouiller.
Comme disait mon "sauveur de taxi":
"Perú est un pays qui croît trop vite. Ceux qui travaillent comme moi ne peuvent pas suffire à faire vivre tous ceux qui n'ont rien à faire..."




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