lundi, mai 16, 2016

Maroc - Acte I



Avertissements :

- Les textes ci-dessous sont des « notes » prises au cours du voyage. Ce n’est ni un récit complet du trajet, ni un descriptif du Maroc, encore moins un guide touristique.
En dix jours, nous n’avons vu qu’une infime partie du pays, mais tout de même des paysages et des lieux très différents. Ces notes sont donc des petits bouts de notre voyage, sans prétention.
- Idem pour les photos présentées ici : elles ne sont pas un reportage-photo du Maroc ! Ce sont justes des images personnelles, glanées ici ou là ; quelques paysages, quelques détails, un peu de vie...


*  *  *

Acte I



La traversée en ferry de Barcelone à Tanger, c’est déjà presque une mini-croisière. Le navire « Excellent » mesure 200 mètres ; c’est une bête plus impressionnante que ce que j’ai pu utiliser quelques fois en traversant la Manche. Stable, confortable, les cabines très correctes, de la place pour se promener et tuer le temps...


L’arrivée (largement en avance) se fait dans un port tout neuf, 45 km à l'Est de Tanger. C’est grand et pratique, mais cela n’a pas le charme d’une arrivée dans le port historique de Tanger telle que je l’avais imaginée.
Formalités de douanes et police sans soucis, avec le sourire en prime. Les touristes et leurs devises sont les bienvenus ;-)

Forte chaleur, le blouson de cuir est déjà de trop… Un premier inconvénient du voyage en moto !
Route par la côte jusqu'à Tetouan. Région en plein boom économique et touristique, magnifiques constructions et grands hôtels flambants neufs.
Après Tetouan (trop de monde, trop d'activité, de circulation), on attaque la montagne vers Chefchaouen.
Très vite oubliée, la folie de la côte ; voici la campagne et une circulation plus tranquille. Les routes sont très correctes mais ça ne roule – vraiment – pas vite...

La moto, pour la photo, c'est nul. Je le savais déjà, et c'est confirmé. Traversé de superbes montagnes jusqu'ici, mais aucune photo du paysage. Tant pis... Quand on voyage à plusieurs, on ne fait pas tout ce qu'on veut !

Arrivé assez tôt pour visiter la medina de Chefchaouen, magnifique petite ville accrochée à flan de montagne, colorée de nombreuses nuances de bleu.
Hôtel traditionnel et très bien, vue superbe sur la ville…




Maroc - Acte II



Incontestablement, il n'y a pas qu'un Maroc, mais plusieurs… Les disparités entre villes touristiques développées et bourgades de campagne semblent énormes.

Au départ de Chefchaouen, routes de montagne à travers le Rif. Les paysages sont d'une grande richesse et variété, mais pour les raisons sus-citées du voyage en groupe, presque pas de photos. Dommage, car si je pouvais m'arrêter autant que souhaité, j'aurais pris de jolies photos-souvenirs de vallées verdoyantes, de cultures diverses, de champs d'oliviers, de petites fermes un peu partout, de vieux véhicules bringuebalants, etc etc.

C'est idiot de dire "le Maroc, ça ressemble à tel ou tel pays", mais on a toujours tendance à comparer avec des choses déjà connues. Ainsi, dans cette partie du Rif entre Chefchaouen et Fes, j'ai retrouvé beaucoup du Pérou, bien plus que des images que l'on a de l'Afrique. D’après ce que j’ai compris, le Rif est peuplé principalement de Berbères ; ils sont nombreux partout au Maroc, mais on devine ici une certaine différence d’intégration et de développement par rapport aux autres régions que nous traverserons par la suite… De plus, à l’exception de quelques villes touristiques comme Chefchaouen, le reste de la région ne semble pas beaucoup profiter de l’argent des touristes.

Depuis une voiture ou un car, j'aurais "photosouveniré" les villages tout en longueur en bordure de route, qui concentrent l'activité. Ici les vendeurs de grillades qui installent leur barbecue juste au bord de la nationale, dans la terre battue mélangée aux crottes des mules et bourricots, omniprésents. Là les petits trafics de tout, livrés par des camionnettes surchargées, les lieux d'échange des différents transports en commun (depuis le cher car interurbain jusqu'au triporteur, en passant par les taxis collectifs d'états variés et les ânes indispensables aux dessertes locales)...
Quant aux paysages, selon l'exposition du flanc de montagne et l'arrosage, on passe en un col de paysages péruviens aux Pyrénées, etc...

En quittant le Rif, la dernière partie de route vers Fès change totalement. Certaines plaines verdoyantes, d'autres arides. Des hauts plateaux, et toujours de grandes chaînes de montagnes au loin.
Les 250 kms qui, d’après le GPS de Bruno, devaient mettre 3h30 mettront en réalité… plus de six heures ! Au moins, avec cette moyenne, nous avons le temps d’en prendre plein les yeux !

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L'arrivée à Fès en fin d'après-midi est agitée, les jeunes en scooter se jettent sur nous pour nous proposer de nous guider. C'est normal, je les comprends, mais cela devient vite lourd...
Le riad, dans la medina (centre historique), est magnifique, l’accueil charmant, sympa, aux p'tits oignons.

Fès semble être une ville exceptionnelle qui mériterait plusieurs jours de visite ; je réussi quand même à aller m'y promener une heure et demi avant la nuit.
Là, au moins, j'ai réussi à faire des photos de rue "spontanées", avec mon nouveau jouet compact et discret. Se promener et se perdre dans les petites ruelles de ce quartier, qui n'a guère changé depuis mille ans, est un bonheur. Une véritable découverte, toute une ambiance. Et non, les démarcheurs ne sont pas insistants, nous n'avons pas été harcelés. Beaucoup de sourires, aucune agressivité…



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Le lendemain, petite étape raisonnable. Passage par la Suisse... euh pardon, par Ifrane, station de montagne autour de 1600 mètres. "Seconde ville la plus propre du monde", dit une pub. Balayeurs partout, qui ramassent à la main le moindre mégot qu'un touriste français malotru vient de jeter... Et quelques mètres plus loin, un policier inspecte le travail du précédent et vérifie qu'il n'ait pas oublié un papier ! Une université manifestement fréquentée par la noblesse marocaine et, un peu plus loin, un palais royal. Hors de question de montrer la moindre pauvreté ici...

Passage par une forêt de cèdres et rencontre avec des singes-magots, plus du tout craintifs et particulièrement sympas. Très « touchants », même ; certaines de leurs attitudes nous rappellent à quel point nous ne sommes que des cousins éloignés…

Enfin, route jusqu'à Midelt et traversée du Moyen-Atlas.
De moins en moins de touristes, une circulation clairsemée et des routes toujours très correctes. Les paysages sont immenses, les vues infinies. Toujours beaucoup de variété, mais en tirant de plus en plus vers le désertique.
Faute de photo, imaginez des paysages genre "désert de l'Arizona" avec un mélange de grosses bombes volcaniques, de petits volcans égueulés, de "mesas", le tout sur des hauts plateaux (on oscille de 800 à 1800 mètres, mais sans l'impression d'être monté!). Et au loin, la chaîne du Haut Atlas commence à se rapprocher ; elle a encore de bonnes coulées de neige sur ses pentes...

Midelt vers 18h : on est entre 35 et 40 degrés.
1h30 plus tard, la température a bien chuté...
On nous annonce 50 degrés demain vers Merzouga !
Nous verrons bien...



Maroc - Acte III




Rien de spécial à visiter à Midelt… Toutefois, un petit mot sur la propreté, extrêmement variable d'une province à l'autre.
Le Rif était franchement sale. Magnifiques paysages, mais jonchés de détritus et sacs plastiques... Fès était très propre, les grands trottoirs de la ville nouvelle, en petits pavés carrés, ressemblant aux trottoirs espagnols. Bien plus propre que Montpellier, ce qui n'est pas difficile...
J'ai déjà parlé de la propreté exemplaire d'Ifrane... Quant à Midelt, petite ville de province au cœur du Maroc profond, la rue principale est refaite à neuf, les trottoirs larges et propres, l'herbe verte et tondue. Les mamies balayent la rue devant leur maison.

Grosse étape entre Midelt et Merzouga, par une chaleur assommante. Première traversée du Haut-Atlas, une formalité via des routes toujours en bon état. Grandioses paysages, toutefois un peu écrasés par la chaleur et la forte lumière...
Ensuite, c'est la platitude ! De (trop) nombreux kilomètres pour flirter avec le désert.
En traversant quelques villages et villes moyennes ici ou là, on sent un gros effort de développement : route principale rénovée, services publiques s'affichant fièrement (exemple vu dans un tout petit village: "Centre social féminin"), écoles en bon état d'où sortent des volées de moineaux, etc.
La plus grosse ville traversée fut Er-Rachidia, à l'heure de la sortie des écoles/lycées/facultés... Il y en avait partout ! Plein d'universités, de gamins de tout âge et tout sexe, à-pied-à-scooter-à-vélo... partout !

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Arrivée à Merzouga sous un soleil de plomb.
Merzouga, dernier gros village avant le désert, le vrai. Les Kasbah traditionnelles toutes neuves s'alignent le long des dunes pour accueillir les touristes de toutes sortes.
Beaucoup viennent ici pour les virées dans le désert en quad, en 4x4 ou à dos de chameau.

À 17 heures, trop chaud et trop lumineux pour aller marcher dans les dunes ; testons d'abord la piscine ! Par rapport à la température extérieure, son eau semble bien fraîche...
À 18h15, je prends une bouteille d'eau, enroule un cheich autour de la tête et prends le chemin des dunes.
À 18h18, un Touareg (non, pas le VW, un "vrai" Touareg :-)) sort d'une dune et vient marcher à mon côté. Youssef est un vendeur pour touriste, comme partout. Mais d'une intelligence et d'une finesse remarquables, il m'accompagne un instant en me filant quelques conseils, puis me propose ses "souvenirs artisanaux" habituels. Mais il amène la chose avec tellement d'élégance, sans forcer, que même moi je finis par lui acheter quelque porte-savon. Nous discutons un bon moment sur une dune avant qu'il ne reparte vers le village chercher d'autres clients, et moi vers les portes du Sahara...

J'ai marché deux bonnes heures, passant de petits cols, longeant de petites crêtes, cherchant une dune plus haute que la précédente. En kilomètres, cela ne doit pas représenter grand chose, car randonner dans le sable ne se fait pas au même rythme que sur les chemins "durs" du Languedoc. Assisté au couché de soleil en solitaire depuis "ma" dune, puis revenu en marche forcée (et en courant dans les descentes) pour ne pas se faire rattraper par la nuit. Au repas, je constate que mes collègues n'ont pas résisté, eux non plus, aux qualités de vendeur de Youssef…


Lendemain matin, 6 heures, bis repetita. Me voici reparti au petit jour vers le désert, plus désertique que la veille. Les touristes assez courageux pour profiter de la belle lumière du soleil levant sont bien peu nombreux.
J'enroule une dune après l'autre, je ne marche pas trop mal. Je choisi une dune raisonnablement haute pour assister au spectacle. La solitude n'est pas complète, je devine quelques autres touristes sur quelques autres dunes, au loin. Et quelques caravanes de chameau qui se réveillent. Mais l'ambiance est tout de même assez magique.
Devant moi, des dunes. Plus loin, une chaîne désertique plus élevée. Plus de route, plus de village, rien que du sable.
Dans 50 km, c'est la frontière avec l'Algérie, et sans doute y a-t-il autant de désert entre cette frontière et les premiers villages algériens...
Deux heures plus tard, lorsque je reviens vers un copieux petit-déj mérité, je recroise Youssef qui guette l'arrivée d'un groupe de jolies chinoises habillées comme pour un défilé de mode.
« Oh, bonjour Fabien. Tu es rentré un peu tard, hier soir. Tu ne t'es pas perdu ? »



Maroc - Acte IV



Petite étape de Mergouza vers Tineghir.
Routes récentes entre des collines volcaniques arides.

Un mot sur la présence policière : elle est partout. Souvent, un poste de contrôle mobile aux entrées des grosses villes, et un ou deux uniformes à chaque gros carrefour.
Mais les royales consignes semblent claires : n'ennuyez pas les touristes ! Dès qu'ils nous voient approcher, les policiers font circuler les voitures au rond point pour faciliter notre passage, voire les arrêtent pour nous faire passer alors que nous n'avions pas la priorité. Idem aux contrôles, nous avons droit aux petits signes pour passer sans nous arrêter et au bonjour discret...
Ils ne semblent pas très regardants sur le code de la route, nous n'avons d'ailleurs toujours pas compris la signification des lignes continues centrales ! Par contre, ils ont souvent des radars-jumelles à portée de main et semblent être stricts sur la vitesse. Aucun problème pour nous qui roulons tels des papis-motards...

En approchant de Tineghir, vision d'horreur : d'immenses étendues sont recouvertes de millions de sacs plastiques, la plupart accrochés aux buissons ras, certains volant dans le ciel comme des rapaces. Je n'en connais pas la raison, je n'ai pas vu de décharge. Même si la mentalité devait évoluer dans l'avenir, comme cela semble être le cas ailleurs, il leur faudra dix ans pour ratisser les immenses étendues couvertes de sacs !

Une fois la ville traversée, on tombe dans le quartier touristique sur la route des gorges du Todgha, attraction locale. Ici, c'est propre et net. Les petits hôtels et auberges presque neufs se succèdent. Promenade en moto dans une bonne partie des gorges, certes impressionnantes…


Mais, selon moi, l'intérêt du lieu, c'est l'immense palmeraie à la sortie des gorges. Tout un microsystème, la rivière, un canal d'irrigation central, plein de petits canaux secondaires, une multitude de petites parcelles. Et autant de petits sentiers dont la plupart ne mène nulle part... C'est donc un jeu d'orientation pour trouver celui qui me permettra d'aller plus avant ou, ensuite, de retrouver le chemin de l’hôtel. J'adore :-)

En deux heures de déambulation, je n'ai pas croisé un seul touriste. Uniquement des locaux qui allaient cultiver leur bout de terre après le boulot, certains avec leur âne, d'autres avec leurs mouflets.
Tous souriants, me saluent d'un geste avenant, sont parfois ravis d'échanger quelques mots en français. Une promenade enrichissante et "imprégnante"...
(L'un d'eux m'apprend qu'il faut monter dans les palmiers pour couper des feuilles aux palmiers d'un sexe et les mettre sur les palmiers d'un autre sexe afin d'assurer la reproduction... ou à quelque erreur de traduction près. À 42 ans, je ne savais même pas qu'il y avait des palmiers mâle et femelle !)



Maroc - Acte V



En anticipant le parcours du voyage, quelques semaines avant le départ, je savais déjà que la première partie me plairait plus que la seconde...

Après Tineghir, ses gorges du Todgha et sa douce palmeraie, nous avons filé vers Ouarzazate. Avec, en route, un détour par d'autres gorges, celles du Dadès ; moins fréquentées, mais très jolis paysages.
À part cela, la route pour Ouarzazate est assez monotone. Beaucoup de gros villages, de petites villes apprenant à devenir grandes. De larges urbanisations se créent un peu partout : immenses terrains en cours de viabilisation, avenues et rues neuves, lampadaires, trottoirs... et juste un immeuble ici ou là, au milieu d'emplacements vides !

À l'approche de Ouarzazate, la route regoudronnée récemment s'élargit encore. À gauche, une immense retenue d'eau ; sur quelques collines la surplombant, un "Golf Royal". À droite, une gigantesque station photovoltaïque.
Nous ne visiterons pas son centre historique, mais de ce que nous en avons vu, Ouarzazate semble être une grosse ville de province exemplaire. Plutôt calme, bien ordonnée, rues et bas-côtés impeccables, pelouses arrosées. Et très propre...


Nous logeons à Aït-Benhaddou, site réputé pour son village millénaire, qui aurait servi de décor à de nombreux films, dont un de mes films-culte : Lawrence d'Arabie !
Certes, le site est joli et, de loin, il présente une élégance indiscutable. Hélas, de l'intérieur, je suis largement resté sur ma faim. L'essentiel des maisons utilisables étant occupé par des marchands de "souvenirs et artisanat", le charme des petites rues ancestrales s'est évaporé depuis longtemps...
Après une première visite en fin d'après-midi, je suis retourné le lendemain au lever de soleil sur une colline, espérant avoir une lumière idéale qui redonnerait vie au vieux village, le temps des premiers rayons. Malheureusement, un voile de nuages a gâché la fête et le miracle ne s'est pas produit. Mes photos n'auront rien d'exceptionnel... :-(



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La route de Ouarzazate à Marrakech est LA route qui traverse l'Atlas, dans une partie plus haute et impressionnante que ce que nous avions traversé en descendant. Elle est en état très correct, mais entièrement en travaux dans sa partie nord-ouest, pour en faire une trois-voies. Peu de lieux pour poser les motos, pas de photo.


Quant à Marrakech... Comment dire... Cohue, agitation permanente, bordel innommable.
Le Routard aime Marrakech, son ambiance débordante de vie, ses immenses souks. Dois-je aimer pour autant ?
Pour les motards que nous sommes, c'est une circulation dangereuse, une agression permanente. S'orienter est difficile, les parkings sont rares et chers.
Et pour le petit touriste qui veut se promener dans le centre historique, c'est une métamorphose en "porte-feuille sur pattes" ; nous ne sommes réduits qu'à cela...

Certes, j'ai connu cela en d'autres endroits. Certes, c'est compréhensible, nous venons en vacances avec notre niveau de vie européen "narguer" tous ces pauvres autochtones dans le besoin. Ok.
Mais il y a tout de même moyen de commercer *honnêtement* ; il y a une nuance entre commerce et racket. Certains me diront que c'est la culture locale, qu'il faut s'adapter, que le marchandage est un jeu. Bla bla.
Dans mon cas, l'effet principal que cela produit (outre la vexation de s'être fait berner), c'est de me faire dépenser moins que le budget que j'avais prévu de claquer.
Et qu'on ne vienne pas me parler de respect d'autrui, car je me demande si je ne suis pas largement plus respectueux envers les locaux que ce que les "commerçants" de Marrakech le sont de leurs visiteurs...


Évidemment, il y a sans doute plein de richesses à visiter dans cette grande ville chargée d'histoire. Évidemment, en prenant le temps de s'imprégner de son ambiance phénoménale, de se noyer dans la masse, il y a certainement une vie formidable à découvrir.
Mais voilà. Autant j'ai regretté de ne pas rester trois jours à Fès, autant Marrakech m'a très vite fait fuir. Et pourtant, je venais sincèrement l'esprit ouvert et avec la plus grande volonté de découverte. Tant pis !



Maroc - Acte VI




Essaouira... Le calme après la tempête... Un comble, pour une ville si souvent balayée par le vent ! Quoi qu'il en soit, un bonheur de petite ville côtière...

Je ne suis pas dupe : Essaouira n'est pas symbolique du niveau de vie marocain. Mais elle n'est pas non plus artificielle comme Ifrane, ni comme d'autres stations balnéaires surfaites.


Quelques dizaines de kilomètres plus tôt, le dernier gros village traversé, en venant de Marrakech, était un modèle de sous-développement (oh pardon, il ne faut plus utiliser ce terme depuis 30 ans). Bas-côtés défoncés en terre et crottin d'âne, maisons de bric et de broc alignées face à la route nationale, petits trafics et commerces d'un autre âge.
Des ânes et encore des ânes ; parfois un cheval pour tirer une carriole plus grande ; des voitures bringuebalantes : 4L, 504, 404, R18 (la plus récente aperçue était une Renault 11... GTL !) ; un petit garage baignant dans la graisse à tel point que les piliers, autrefois blancs, sont noirs d'huile jusqu'à hauteur d'homme.

Prendre tout ceci en photo n'est pas envisageable. En tout cas, pas pour moi. D'une part, parce qu'on ne s'arrête guère ; d'autre part, surtout, parce que je me sentirais mal-à-l'aise de prendre des photos volées de cette misère.
Pourtant, j'en ai envie ! Pour montrer la "vraie" vie à ceux qui liront ces lignes, pour garder des traces du passé lorsque tout ceci aura évolué... Mais j'aurais mauvaise conscience, j'aurais l'impression de faire du voyeurisme, je craindrais qu'on puisse penser que je me moque de ces gens qui vivent de si peu, et probablement si durement.
Alors tant pis, pas de photos. Mais des images plein la tête qui, j'espère, me resteront jusqu'à la fin de mes jours. Et une confirmation dans une certitude déjà acquise : à conduire mes petits trams sept heures par jour, oui, je suis déjà un privilégié. Mon mérite? Aucun. Juste la chance d'être né au bon endroit, contrairement à ces petites boules de suif de 4 ou 5 ans qui fouillent les tas d'ordures, là, de l'autre côté de la route, pendant que nous remplissons nos réservoirs de "sans-plomb" à 1 euro le litre…

*  *  *

En sortant du merveilleux et si cosmopolite petit Riad "Zahra", après y avoir picoré quelques tapas, je n'avais plus l'impression d'être au Maroc. Sincèrement, en empruntant la promenade de la plage pour me rendre vers le centre historique d'Essaouira, avec ses trottoirs parfaits, ses jolis lampadaires "design", ses vertes pelouses et ses voitures récentes, je me suis vraiment cru dans quelque ville d'une côte espagnole, ou peut-être portugaise... Jusqu'à ce que je sorte de ma rêverie pour me souvenir que j'étais bien dans le même pays que deux heures auparavant.

Heureusement, le vieux port a gardé toute son authenticité. Et même plus que ça : ce coin a un charme fou...
Les petits chantiers navals, les traditionnelles barques bleues, les chalutiers aux carènes bien différentes des nôtres. Les étals de poissons frais, tout juste débarqués des navires, d'une variété étonnante. Avec la possibilité de faire griller et de déguster sur place, dans un boui-boui de deux ou trois tables sur la jetée...
Puis la vue depuis la tour sur les remparts, entre port et medina.
Puis la balade au gré des petites ruelles, à l'abri du vent, avec un bon mélange de boutiques pour touristes et d’échoppes traditionnelles plus locales. Et des chats, partout, peut-être plusieurs devant chaque maison. Un bon signe, ça, les chats...


Enfin, la petite épicerie traditionnelle, une parmi plein d'autres, au milieu d'autres boutiques encore. Pourquoi celle-ci ? Aucune idée. J'entre, je sens les herbes à infusion, les épices. Le tenancier parle mal le français, mais toujours mieux que moi l'arabe ; il essaie de m'expliquer que je dois d'abord préparer un thé normal, laisser infuser, puis ajouter les herbes dans la théière, si j'ai bien compris.
Il me tend un marqueur : "Toi écrire sur les sacs. Thé Atlas. Thé Royal".
On parle un peu de nos métiers, bien différents. Je choisis quelques épices, des choses simples dont je me servirai : piment doux, curry marocain, safran à... 4 dirhams le gramme (40 centimes d'euro).

De nouveau, il me donne un papier et un crayon : "Toi faire calcul." Je rigole en lui expliquant que j'écris moins mal que je compte... Il repose les sachets un par un sur la balance, je note le prix de chacun puis fais l'addition. "Toi te moques de moi, toi comptes très bien", dit-il avec un grand sourire. Puis il ajoute un autre sac d'herbes "ça c'est cadeau en plus"... On se quitte en se serrant chaleureusement la main.
Même si je me doute que j'ai payé le thé un peu plus cher que l'aurait payé un autochtone, cela ne me choque pas, car ça reste raisonnable. Une preuve qu'on peut faire commerce avec les touristes tout en restant honnête.



Maroc - Epilogue


Le retour vers Tanger fut long, voire interminable, pour moi qui ne suis pas suffisamment motard dans l’âme au point d’apprécier tant de kilomètres…

Casa, c’est encore un autre Maroc. Vingt kilomètres avant d’y arriver, on longe déjà d’immenses résidences neuves, luxueuses, sécurisées, qui colonisent le bord de mer ; les prix affichés sur les panneaux publicitaires s’approchent largement de ce qu’on connaît en France !
La circulation devient impossible et le très cher hôtel qui nous accueille devient presque un refuge après la folie des embouteillages.

Le lendemain matin, après un grand tour à pied dans Casa, j’ai du prendre un taxi pour revenir à l’heure. Très bonne idée, finalement, car on tombe parfois sur des chauffeurs passionnants. Le mien ressemble plus à un Cubain, ou à un quelconque Africain à peau claire, qu’à un Marocain. Il a vécu des années à Marseille, a entraîné au foot à Tours (ou Nantes, je ne sais plus), a vécu quelques mois en Asie, quelques années à New-York… pour atterrir au volant d’une vielle Fiat Uno rouge dans Casablanca.

Il m’explique que, pour les Africains qui viennent la visiter, Casa est *LA* ville dont toute l’Afrique est fière, une sorte de New-York d’Afrique du Nord. Une ville commerçante, une ville d’affaires, une ville d’argent. Pourtant, lui ne l’aime guère ; trop superficielle, elle donne une fausse image du Maroc et du Maghreb...

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Pour finir, un peu de pub pour l’agence de voyages Naga Travel (basée à Ouarzazate), une équipe franco-marocaine qui a organisé notre virée et sélectionné nos hébergements. Vraiment un très bon choix de Riads traditionnels, de qualité. Honnêteté, proximité, excellente connaissance du pays. Agence très recommandable !

Et pour *vraiment* finir… Que retiendrai-je particulièrement de ce voyage ?

Les paysages si variés, l’approche du désert, les grandes disparités de niveau de vie, bien-sûr. Mais surtout : l’accueil, les sourires, les « soyez le bienvenu » sincères, les gamins qui font signe aux motos le long des routes et sont fiers de recevoir en retour un petit coucou des extra-terrestres que nous sommes.
Et, semble-t-il, une grande volonté de modernisation et de développement ! Un pays qui, s’il continue à éviter l’obscurantisme, pourra devenir un moteur pour toute l’Afrique du Nord dans les décennies à venir.


(Comme d'habitude, toute une série de photos "en vrac" :
des doublons, des "déclassées"... pour ceux qui sont restés jusqu'ici !)